Hier, à l’occasion de la 18è Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement du Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (Cilss), le président du Niger, Issoufou Mahamadou, a pris la présidence du Cilss à la suite de son homologue malien, Ibrahim Boubacar Keita. Un ensemble de réunions des différentes instances (Comité régional de programmation et de suivi, Conseil des ministres) de l’organisation, qui fête ses 45 ans, s’était tenu les veilles. La dernière Conférence à haut niveau s’était tenue en 2015, à Bamako.
Rappelons que le Cilss a été créé il y a près de 45 ans, en 1973, à la suite des grandes sécheresses. Aujourd’hui, à l’heure où le monde entier ne parle que de technologies, le Sahel dépent toujours du bon vouloir du ciel, l’agriculture des six pays membres dépendant à 97% de la pluviométrie.
Le Cilss à l’heure de l’informatisation
Au plan institutionnel, le Cilss entend fermer une grave crise qui a secoué l’institution. Rappelons que le secrétaire exécutif du Cilss, le Tchadien Djimé Adoum, avait été suspendu de ses fonctions en novembre 2016 « compte tenu des difficultés de fonctionnement » et un audit du Cilss avait été lancé; le Burkinabè Souleymane Ouédraogo avait assuré l’intérim jusqu’au retour à son poste en avril 2017 de Djimé Adoum. Une crise à la tête du Cilss qui avait conduit notamment la Banque mondiale à suspendre l’année dernière le financement du projet irrigation, projet qu’elle a repris en décembre.
Le retour de Djimé Adoum avait été été accompagné d’une feuille de route claire concernant la gestion des ressources humaines et des finances et qui s’est traduit notamment par l’informatisation de la gestion du Cilss, l’informatisation complète de l’institution devant être achevée en 2019. Le dossier des paiements d’arriérés et des cotisations est loin d’être clos, tout comme la question de la modernisation de l’institution, comme cela a été rappelé lundi sur le compte twitter du Cilss.
Ceci dit, la fin de l’année a connu en accélération de la signature de plusieurs programmes d’envergure. L’Agence américaine pour le développement international (USAID) a accordé en septembre dernier un appui de $ 2,15 millions pour soutenir la restructuration du Cilss et améliorer ses performances, notamment dans le cadre de son système d’alerte précoce (SAP), le suivi des campagnes agricoles et le renforcement de la collecte des informations sur les flux commerciaux intra-régionaux.
L’année dernière aussi a été signé le document cadre stratégique pour la coalition mondiale sur l’eau au Sahel. Rappelons que, selon l’OCDE, moins de 5% des ressources en eau sont exploitées au Sahel, moins de 3% des terres arables sont irriguées, sans oublier que près de 30% de la population est privé d’accès à l’eau potable en Afrique de l’Ouest. A cet état de fait se greffent les contraintes liées aux changements climatiques qui se traduisent, toujours selon l’OCDE, par un glissement des isohyètes -la courbe reliant sur une carte les points de la Terre où la hauteur des précipitations est la même pour une période donnée- vers le sud d’environ 100 mm depuis 50 ans , la diminution des écoulements des grands cours d’eau sahéliens de 20 à 40% depuis la sécheresse des années 70, sans oublier la réduction des superficies des réserves naturelles.
D’autre part, le Cilss s’est vue attribuer la coordination régionale de deux projets de l’Union européenne (UE) dans le cadre du 11ème FED, à savoir l’amélioration de la gouvernance de la résilience et de la sécurité alimentaire et nutritionnelle et de l’agriculture durable en Afrique de l’Ouest (PAGR-SANAD) pour € 4 millions, et le Programme régional de dialogue et d’investissement pour le pastoralisme et la transhumance au Sahel et dans les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest (PREDIP) pour également € 4 millions.
Déjà deux financements dans le cadre du Pariis
C’est donc en décembre que la Banque mondiale a repris son aide dans le cadre de l’Initiative pour l’irrigation au Sahel (2IS), approuvant le Projet d’appui régional (Pariis) qui se concrétise par un financement globale de $ 170 millions sur 6 ans, à raison de $ 25 millions pour chacun des six pays (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad, Sénégal) du Sahel et $ 20 millions au Cilss qui est chargée de la mise en œuvre du programme.
Dans ce cadre, lundi à Niamey, lors des réunions préliminaires à la 18ème Conférence du Cilss, la Banque mondiale a alloué au Cilss $ 20 millions pour la mise en œuvre du Pariis. Déjà, le 23 janvier, le Tchad avait signé son accord de financement et les autres pays sont en cours de signature, selon le communiqué du Cilss.
Rappelons que le 2IS fait suite au Forum de Haut niveau sur l’irrigation tenu en 2013, à Dakar, lorsque les gouvernements des 6 pays membres du Cilss, avec le soutien de la Cedeao et l’Uemoa, appuyée par la Banque mondiale, avaient décidé d’accroitre les investissements dans l’irrigation en vue d’atteindre 1 000 000 ha irrigués au Sahel à l’horizon 2020. L’économie sahélienne est caractérisée par une agriculture dépendante à 97% de la pluviométrie et contribuant à plus de 25% de son Pib.
Les systèmes d’irrigation prévus dans le cadre du Pariis ont pour objectif de bénéficier directement à 58 000 agriculteurs, avec un accent particulier sur la petite et la moyenne irrigation, et indirectement à 480 000 personnes. Les superficies aménagées ou revitalisées sont projetées à 23 000 ha. Le projet met en avant le concept de « solutions d’irrigation » qui comprend des infrastructures et technologies, des financements et une formation. Dans les six pays, des zones d’intervention du projet (ZIP) ont déjà été identifiées. Un projet qui sera lancé officiellement à Dakar, le président sénégalais Macky Sall étant le chef de file des chefs d’Etat des pays engagés dans le 2IS.